412) Ameaças para o capitalismo americano...
Felix Rohatyn é um capitalista americano que mais se aproxima de um acadêmico de esquerda, digamos assim, ou pelo menos tem preocupações sociais e políticas. Neste artigo publicado no Le Monde, o ex-embaixador (de Clinton) em Paris, emite sua opinião sobre as “ameaças” estrangeiras a empresas americanas. Ele não é um xenófobo, apenas acha que empresas públicas, que têm um Estado atrás de si (mormente quando esse Estado é a China), não podem ser tratadas como empresas privadas “normais”. Ele também está preocupado com o crescimento do déficit público americano e a dependência criada do dinheiro estrangeiro, por acaso, em grande medida, chinês...
Point de vue
Menaces sur le capitalisme américain, par Felix G. Rohatyn
LE MONDE | 11.05.06 | 14h54
La question de la prise de contrôle d'entreprises américaines et européennes par des intérêts étrangers agite régulièrement, depuis environ deux ans, les marchés financiers et les systèmes politiques. Une entreprise énergétique chinoise, Cnooc (Chinese National Offshore Oil Company), a tenté d'acquérir le groupe pétrolier américain Unocal, mais a dû renoncer devant l'opposition du Congrès. Peu après avoir acquis le contrôle de six ports américains, une compagnie basée à Dubaï a dû promettre de transférer la gestion des opérations à une entité américaine à la suite d'une vigoureuse opposition de l'opinion publique emmenée par des élus au Congrès des deux partis.
L'année dernière en France, le gouvernement français est intervenu pour protéger Danone, dont la rumeur disait qu'elle était menacée par une OPA américaine qui ne s'est jamais matérialisée. La France tente actuellement de protéger le groupe franco-belge de production et de distribution d'énergie Suez contre une OPA envisagée par Enel, une entreprise publique italienne. Mittal Steel, groupe contrôlé par une famille indienne, a suscité des inquiétudes en cherchant à acquérir un des plus gros sidérurgistes européens, Arcelor. En Grande-Bretagne enfin, des rumeurs concernant l'intérêt que manifesterait la compagnie russe Gazprom à l'égard d'une entreprise britannique de distribution de gaz mettent en émoi les marchés aussi bien que l'opinion publique.
Ces événements traduisent un changement majeur dans la répartition de la richesse mondiale. De plus en plus, les principaux exportateurs mondiaux (Chine, Japon et pays producteurs de pétrole) recycleront le capital qu'ils ont accumulé dans l'acquisition d'actifs américains pour intégrer l'économie du monde développé.
Mais il existe une différence souvent négligée entre un investissement opéré par une entité gouvernementale étrangère, comme Cnooc ou Dubaï Ports, et l'investissement d'une compagnie étrangère privée. Lorsqu'il s'agit de firmes étatiques, les règles du jeu sont faussées, car leurs objectifs peuvent ne pas être d'ordre commercial. Gardons en mémoire que la Chine disposera sous peu de réserves en dollars d'un montant de 1 000 milliards, à peu près autant que ce dont disposent le Japon et les pays de l'OPEP.
Jusqu'à présent, les Etats-Unis ont financé leur déficit commercial en vendant la dette américaine aux banques centrales étrangères. Tôt ou tard les créanciers étrangers de l'Amérique pourraient décider de transformer une plus grande partie de leurs avoirs en capitaux propres plutôt qu'en créances du Trésor américain. Si un tel scénario venait à se réaliser, l'affaire de Dubaï Ports apparaîtrait comme un épisode vraiment mineur. Souligner ces faits ne procède d'aucune xénophobie. Mais il est temps de réfléchir à leurs implications pour les Etats-Unis, à leurs conséquences en termes sociaux, politiques et de sécurité, et aux mécanismes dont nous disposons pour y faire face.
Le monde des affaires exerce une grande influence dans la vie de tous les jours aux Etats-Unis. L'entreprise américaine fait plus que produire et commercialiser. Elle pèse sur la politique nationale à travers ses organismes professionnels et l'action de ses lobbyistes. Elle soutient ses représentants au niveau local et dans chaque Etat. Elle finance d'importants organismes caritatifs, la Croix-Rouge ou les associations de scoutisme, ainsi que des institutions religieuses et éducatives. Pour ces raisons, l'éventualité d'une prise de contrôle d'une entreprise américaine par une société liée à un gouvernement étranger exige une grande attention. Il ne s'agit pas d'un simple problème économique : ce qui est en jeu, ce sont des questions de changement social, d'influence politique et de capacité de décision.
La question du contrôle des grandes entreprises est toujours délicate, surtout s'il s'agit d'une intervention étrangère. Mais si la prise de contrôle vient d'un gouvernement étranger, le problème devient encore plus épineux. Même les Etats-Unis, particulièrement ouverts aux capitaux étrangers, ont parfois mis des limites dans des secteurs tels que la défense, les compagnies aériennes et les médias.
La tendance est à la levée de ces limitations, mais l'Amérique n'a jamais été confrontée, depuis le XIXe siècle, à l'éventualité d'une forte poussée des investissements directs opérés sous le contrôle d'un Etat étranger. Le problème pourrait se poser d'ici quelques années. L'achat par la Chine de bons du Trésor américain a permis aux Etats-Unis de financer l'importation à grande échelle de produits chinois. Tôt ou tard, Pékin pourrait envisager un réinvestissement plus agressif de ses fonds. Il pourrait décider d'acheter en masse des actions américaines, soit sous la forme de portefeuilles diversifiés, soit sous celle d'investissements directs dans des grandes entreprises américaines pouvant déboucher sur un actionnariat majoritaire, voire sur une prise de contrôle effective. Dans ce dernier cas, il risque d'y avoir des réactions.
En juin 2004, l'équivalent de 19 000 milliards de dollars en actions américaines était détenu par des opérateurs étrangers, pour la plupart des investisseurs privés européens. Les pays de l'Union européenne sont des démocraties occidentales ayant une culture industrielle et commerciale proche de celle des Etats-Unis et, par bien des aspects, de celle du Japon. Leurs filiales américaines sont aussi bien intégrées à la société que leurs homologues sous propriété américaine. Il n'en va pas de même avec la Chine, en tout cas pour l'instant. Tant que la Chine ne se sera pas rapprochée des critères occidentaux sur le plan de la gouvernance industrielle et commerciale, de l'indépendance judiciaire et de la réglementation du marché, des affaires comparables à celle d'Unocal risquent de survenir si les prises de contrôle direct d'entreprises américaines s'accélèrent. Le problème ne se limite pas aux Etats-Unis. Le comportement récent du président russe Vladimir Poutine et de Gazprom a révélé en Europe une forte sensibilité à l'égard de la question de l'indépendance énergétique. Les intérêts politiques nationaux empiéteront toujours sur les marchés libres.
Il est donc temps de se demander si les conseils d'administration ne devraient pas élargir leurs responsabilités. L'un des modèles possibles est le "capitalisme des parties prenantes" (stakeholder capitalism) : les dirigeants ne décideraient plus seulement en fonction du cours de Bourse de leurs actions, mais prendraient en compte d'éventuelles conséquences négatives sur les non-actionnaires (salariés, tissu local, clients, fournisseurs) - c'est-à-dire toutes les personnes "parties prenantes" de l'entreprise. Sam Palmisano, président et directeur exécutif d'IBM, formule bien le problème. "La situation des entreprises a changé, explique-t-il. Aujourd'hui, les préoccupations sociétales à long terme - comme l'égalité des chances, l'environnement et la gestion des ressources humaines - font l'objet dans l'opinion d'une attente aussi grande que celle concernant les bonnes pratiques comptables et les résultats financiers."
La "gouvernance industrielle" dans l'économie globale pourrait donc subir une profonde transformation dans l'avenir : les directeurs de grandes entreprises seront confrontés à des problèmes de plus en plus complexes. On devrait donc leur accorder une plus grande autorité et leur offrir un horizon à plus long terme que les intérêts immédiats des actionnaires-spéculateurs actuels.
Il va sans dire que, pour résoudre les grands déséquilibres actuels, il faudra de profonds changements dans les politiques nationales, dont les travers sont connus : déficits excessifs, gaspillage de l'énergie, lacunes au niveau de l'éducation et du système de santé. Mais même si d'authentiques progrès étaient réalisés dans ces domaines, les Américains doivent s'attendre à voir de plus en plus de leurs avoirs nationaux partir à l'étranger.
Pour gérer cette transition en douceur, les Etats-Unis ont besoin d'une politique plus réfléchie et plus décidée - en cohérence avec leurs grands intérêts économiques et politiques.
Traduit de l'anglais par Gilles Berton.
Felix G. Rohatyn est ancien ambassadeur des Etats-Unis en France, il gère actuellement un fonds d'investissement.
Point de vue
Menaces sur le capitalisme américain, par Felix G. Rohatyn
LE MONDE | 11.05.06 | 14h54
La question de la prise de contrôle d'entreprises américaines et européennes par des intérêts étrangers agite régulièrement, depuis environ deux ans, les marchés financiers et les systèmes politiques. Une entreprise énergétique chinoise, Cnooc (Chinese National Offshore Oil Company), a tenté d'acquérir le groupe pétrolier américain Unocal, mais a dû renoncer devant l'opposition du Congrès. Peu après avoir acquis le contrôle de six ports américains, une compagnie basée à Dubaï a dû promettre de transférer la gestion des opérations à une entité américaine à la suite d'une vigoureuse opposition de l'opinion publique emmenée par des élus au Congrès des deux partis.
L'année dernière en France, le gouvernement français est intervenu pour protéger Danone, dont la rumeur disait qu'elle était menacée par une OPA américaine qui ne s'est jamais matérialisée. La France tente actuellement de protéger le groupe franco-belge de production et de distribution d'énergie Suez contre une OPA envisagée par Enel, une entreprise publique italienne. Mittal Steel, groupe contrôlé par une famille indienne, a suscité des inquiétudes en cherchant à acquérir un des plus gros sidérurgistes européens, Arcelor. En Grande-Bretagne enfin, des rumeurs concernant l'intérêt que manifesterait la compagnie russe Gazprom à l'égard d'une entreprise britannique de distribution de gaz mettent en émoi les marchés aussi bien que l'opinion publique.
Ces événements traduisent un changement majeur dans la répartition de la richesse mondiale. De plus en plus, les principaux exportateurs mondiaux (Chine, Japon et pays producteurs de pétrole) recycleront le capital qu'ils ont accumulé dans l'acquisition d'actifs américains pour intégrer l'économie du monde développé.
Mais il existe une différence souvent négligée entre un investissement opéré par une entité gouvernementale étrangère, comme Cnooc ou Dubaï Ports, et l'investissement d'une compagnie étrangère privée. Lorsqu'il s'agit de firmes étatiques, les règles du jeu sont faussées, car leurs objectifs peuvent ne pas être d'ordre commercial. Gardons en mémoire que la Chine disposera sous peu de réserves en dollars d'un montant de 1 000 milliards, à peu près autant que ce dont disposent le Japon et les pays de l'OPEP.
Jusqu'à présent, les Etats-Unis ont financé leur déficit commercial en vendant la dette américaine aux banques centrales étrangères. Tôt ou tard les créanciers étrangers de l'Amérique pourraient décider de transformer une plus grande partie de leurs avoirs en capitaux propres plutôt qu'en créances du Trésor américain. Si un tel scénario venait à se réaliser, l'affaire de Dubaï Ports apparaîtrait comme un épisode vraiment mineur. Souligner ces faits ne procède d'aucune xénophobie. Mais il est temps de réfléchir à leurs implications pour les Etats-Unis, à leurs conséquences en termes sociaux, politiques et de sécurité, et aux mécanismes dont nous disposons pour y faire face.
Le monde des affaires exerce une grande influence dans la vie de tous les jours aux Etats-Unis. L'entreprise américaine fait plus que produire et commercialiser. Elle pèse sur la politique nationale à travers ses organismes professionnels et l'action de ses lobbyistes. Elle soutient ses représentants au niveau local et dans chaque Etat. Elle finance d'importants organismes caritatifs, la Croix-Rouge ou les associations de scoutisme, ainsi que des institutions religieuses et éducatives. Pour ces raisons, l'éventualité d'une prise de contrôle d'une entreprise américaine par une société liée à un gouvernement étranger exige une grande attention. Il ne s'agit pas d'un simple problème économique : ce qui est en jeu, ce sont des questions de changement social, d'influence politique et de capacité de décision.
La question du contrôle des grandes entreprises est toujours délicate, surtout s'il s'agit d'une intervention étrangère. Mais si la prise de contrôle vient d'un gouvernement étranger, le problème devient encore plus épineux. Même les Etats-Unis, particulièrement ouverts aux capitaux étrangers, ont parfois mis des limites dans des secteurs tels que la défense, les compagnies aériennes et les médias.
La tendance est à la levée de ces limitations, mais l'Amérique n'a jamais été confrontée, depuis le XIXe siècle, à l'éventualité d'une forte poussée des investissements directs opérés sous le contrôle d'un Etat étranger. Le problème pourrait se poser d'ici quelques années. L'achat par la Chine de bons du Trésor américain a permis aux Etats-Unis de financer l'importation à grande échelle de produits chinois. Tôt ou tard, Pékin pourrait envisager un réinvestissement plus agressif de ses fonds. Il pourrait décider d'acheter en masse des actions américaines, soit sous la forme de portefeuilles diversifiés, soit sous celle d'investissements directs dans des grandes entreprises américaines pouvant déboucher sur un actionnariat majoritaire, voire sur une prise de contrôle effective. Dans ce dernier cas, il risque d'y avoir des réactions.
En juin 2004, l'équivalent de 19 000 milliards de dollars en actions américaines était détenu par des opérateurs étrangers, pour la plupart des investisseurs privés européens. Les pays de l'Union européenne sont des démocraties occidentales ayant une culture industrielle et commerciale proche de celle des Etats-Unis et, par bien des aspects, de celle du Japon. Leurs filiales américaines sont aussi bien intégrées à la société que leurs homologues sous propriété américaine. Il n'en va pas de même avec la Chine, en tout cas pour l'instant. Tant que la Chine ne se sera pas rapprochée des critères occidentaux sur le plan de la gouvernance industrielle et commerciale, de l'indépendance judiciaire et de la réglementation du marché, des affaires comparables à celle d'Unocal risquent de survenir si les prises de contrôle direct d'entreprises américaines s'accélèrent. Le problème ne se limite pas aux Etats-Unis. Le comportement récent du président russe Vladimir Poutine et de Gazprom a révélé en Europe une forte sensibilité à l'égard de la question de l'indépendance énergétique. Les intérêts politiques nationaux empiéteront toujours sur les marchés libres.
Il est donc temps de se demander si les conseils d'administration ne devraient pas élargir leurs responsabilités. L'un des modèles possibles est le "capitalisme des parties prenantes" (stakeholder capitalism) : les dirigeants ne décideraient plus seulement en fonction du cours de Bourse de leurs actions, mais prendraient en compte d'éventuelles conséquences négatives sur les non-actionnaires (salariés, tissu local, clients, fournisseurs) - c'est-à-dire toutes les personnes "parties prenantes" de l'entreprise. Sam Palmisano, président et directeur exécutif d'IBM, formule bien le problème. "La situation des entreprises a changé, explique-t-il. Aujourd'hui, les préoccupations sociétales à long terme - comme l'égalité des chances, l'environnement et la gestion des ressources humaines - font l'objet dans l'opinion d'une attente aussi grande que celle concernant les bonnes pratiques comptables et les résultats financiers."
La "gouvernance industrielle" dans l'économie globale pourrait donc subir une profonde transformation dans l'avenir : les directeurs de grandes entreprises seront confrontés à des problèmes de plus en plus complexes. On devrait donc leur accorder une plus grande autorité et leur offrir un horizon à plus long terme que les intérêts immédiats des actionnaires-spéculateurs actuels.
Il va sans dire que, pour résoudre les grands déséquilibres actuels, il faudra de profonds changements dans les politiques nationales, dont les travers sont connus : déficits excessifs, gaspillage de l'énergie, lacunes au niveau de l'éducation et du système de santé. Mais même si d'authentiques progrès étaient réalisés dans ces domaines, les Américains doivent s'attendre à voir de plus en plus de leurs avoirs nationaux partir à l'étranger.
Pour gérer cette transition en douceur, les Etats-Unis ont besoin d'une politique plus réfléchie et plus décidée - en cohérence avec leurs grands intérêts économiques et politiques.
Traduit de l'anglais par Gilles Berton.
Felix G. Rohatyn est ancien ambassadeur des Etats-Unis en France, il gère actuellement un fonds d'investissement.
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